mardi 25 novembre 2008

L'histoire de Colmar (4) - La collégiale Saint-Martin

La collégiale Saint-Martin, la cathédrale des Colmariens.
Les étapes de la construction de l’édifice s'étendent à peu près des années 1230-1240 à 1370. Le transept, puis la nef, sont achevés entre 1260 et 1300 par Humbret, premier grand maître du Gothique à Colmar. La façade est élevée dans la première moitié du 14ème siècle, alors que les travaux du choeur, oeuvre présumée de Guillaume de Marbourg, débutent en 1350.

Les deux fleurons de l’ordre mendiant sont l’église des Dominicains et celle des Franciscains.


L'église des Dominicains

Toutes deux amorcées à la fin du 13ème siècle et achevées avant le milieu du 14ème siècle présentent des traits communs de l’architecture des Ordres mendiants : une grande sobriété extérieure, à l’intérieur, un choeur voûté réservé aux usages conventuels. L'église des Franciscains a connu au cours des siècles un certain nombre de mutilations qui ont altéré son image primitive : suppression d'un collatéral sud, installation en 1715 d'un mur de séparation entre le choeur et le nef, abaissement de la nef au 19ème siècle.


Détail de la Collégiale Saint-Martin




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La vie culturelle

Georges Wickram, fils naturel de l’Obrimeister Conrad Wickram, peut être considéré comma l’animateur de la vie culturelle locale. Après 1530, il présente et produit de nombreuses pièces de théâtre de sa composition au poêle des Cordonniers dans la rue des Marchands. Il fonde à Colmar en 1546 une école de chanteurs "Meistersinger" pour laquelle il acquiert à Sélestat la fameuse "Liederhanschrift" dite de Colmar. Aujourd'hui à Munich, ce manuscrit est le plus important recueil de mélodies et de chants allemands qui renferme plus de cent mélodies de 36 auteurs différents, pour une période s'étendant du 13 au 15ème siècle. Il publie également en 1555, avec succès, un recueil d'anecdotes et d'histoires amusantes, le "Rollwagenbüchlein" dédié à son ami Martin Né, propriétaire de l’Auberge à la Fleur à Colmar.
Le théâtre connaît au 16ème siècle un succès durable et populaire. Des troupes d'amateurs, issues des villes et villages environnants se produisent à Colmar. Parallèlement, écoliers et corporations de Colmar montent leurs spectacles dont le plus important, "l’Histoire de Saint Jean Baptiste" est joué en 1573 durant 2 jours par 150 bourgeois, devant la collégiale Saint-Martin.

La Réforme protestante est introduite à Colmar en 1575. Le premier culte évangélique, assuré par le pasteur de Jebsheim, Jean Cellarius, se déroule à l'intérieur de l’église des Franciscains (dont la communauté n'avait pas été renouvelée après la peste de 1541), le 15 mai 1575, en présence du magistrat. La réforme colmarienne est tardive et communale. La communauté catholique subsiste, elle connaît cependant quelques restrictions dans l’exercice de la pratique religieuse. En décembre 1627, au moment où la fortune militaire est favorable à l’empereur, le culte protestant est aboli à Colmar.
En février 1628, un édit impérial donne le choix aux protestants d'abjurer ou d'émigrer. L'émigration de certaines familles influentes et actives provoque de sérieux désagréments dans le domaine économique, d'autant plus qu'en 1632 l’occupation suédoise modifie le rapport de forces au profit de la communauté protestante qui pour un temps reprend les rênes du pouvoir municipal.

En 1627, l’Empereur Ferdinand II de Habsbourg, champion du catholicisme, ayant triomphé de ses adversaires protestants, promulgue l’édit de restitution (1629) et impose à nouveau à Colmar le catholicisme. Peu après, la guerre s'abat avec violence sur l’Alsace. Rapidement les Suédois se rendent maîtres du pays et en novembre 1632, ils se présentent devant Colmar. Le rhingrave Otto Louis de Salm empêche le ravitaillement de la ville. Le 12 décembre Sélestat doit se rendre. Le 15 décembre 1632 les moulins "Weidenmühle" et "Mittlachmühle" flambent. La tuilerie devant la porte de Deinheim est occupée. Le 19 après consultation des corporations, le drapeau blanc est hissé et le même jour, l’armistice est signé à Horbourg. Le 20 décembre, les suédois occupent la ville. Gustave Horn le commandant en chef suédois s'installe à l’hôtel de la Montagne Noire.
Le gouvernement du cardinal de Richelieu juge le moment venu pour intervenir dans la guerre contre la maison de Habsbourg. Les Suédois, battus à Nordungen (6 septembre 1634) demandent l'intervention du roi de France. Le 9 octobre un traité est conclu à Strasbourg entre le représentant français et le résident suédois. Les places occupées en Alsace par les Suédois passent à la France. La ville gardera ses privilèges, ses magistrats, son Conseil et par le traité de paix, elle sera remise dans la situation de 1618. Le 1er août 1635, l’accord de Rueil renouvelle les stipulations de 1634 : le roi de France prend Colmar sous sa protection. La religion catholique et celle de la confession d'Augsbourg peuvent exercer librement leurs cultes. Le 3 août 1635, Louis XIV confirme cet acte.
Balthazar Schneider, prudent, adroit syndic et ardent protestant représente Colmar aux négociations commencées à Munster et Osnabrück dès 1643. Il apprend bientôt que la France victorieuse veut acquérir les possessions autrichiennes et impériales de Haute et Basse Alsace, y compris le grand baillage de Haguenau, ce qui soulève la question des 10 villes impériales. S'appuyant sur les accords de 1632 avec les Suédois et de 1634 / 1635 (renouvelés en 1644) avec le gouvernement français, Schneider défend âprement le maintien des privilèges des villes impériales. Mais bientôt ses espoirs faiblissent…

Le 13 septembre 1646 est signé le traité préliminaire entre la France et l’Empire, qui décide la cession à la France des possessions habsbourgeoises et impérial en Alsace avec le grand baillage. Pour les seigneuries immédiates et la Décapole, l’immédiateté d'Empire sera maintenue.
Cependant s'y trouve la clause équivoque et contradictoire "Ita tainen" que ce droit ne nuirait en rien aux droits acquis par le roi de France (sans que par là les droits de souveraineté soient en rien diminués). Subtilité voulue pour ménager les susceptibilités de part et d'autre, mais lourde de conséquences pour l’avenir...

Conséquence pour l’avenir.
Colmar ne s'incline pas. Au début de 1647, la ville s'adresse à la reine Christine de Suède. Malgré les efforts de Balthazar Schneider, le 24 octobre1648, la paix reprend les décisions de l’accord préliminaire de 1646. La contradiction est donc maintenue...
En exécution du traité de paix, la garnison française, installée à Colmar depuis 1635 quitte la ville en 1649. Colmar peut à nouveau se considérer comme ville indépendante. Très rapidement les difficultés commencent, la lutte éclate entre le grand bailli envoyé par le roi de France, le Comte d'Harcourt et les dix villes qui ne veulent pas abandonner les moindres droits. Dès 1656, Colbert de Croissy est installé comme intendant des domaines habsbourgeois à Ensisheim, où est crée le Conseil Souverain d'Alsace, dont il est le premier président (1657) à la séance inaugurale le 4 novembre 1658. Les dix villes envoient leurs délégués avec mission de protester contre les droits que cette cour prétendait avoir sur elle.
Colbert de Croissy, peu après, fait le tour des villes pour obtenir leur consentement. Il trouve à Colmar (5 décembre 1658) un accueil poli et froid. Le magistrat résume sa position vis à vis du Conseil Souverain et en 1659 il refuse même d'accueillir le Conseil Souverain et refuse ainsi de devenir la Capitale Judiciaire de la Province (souhait réalisé en 1698).
En 1661, le duc Mazarin, époux d'Hortense Mancini, héritier du cardinal et nouveau grand bailli, veut exiger des villes un serment de fidélité et d'obéissance.
On négocie...
Quand le duc Mazarin (Armand-Charles de La Porte, duc de Mazarin et de la Meilleraye, seigneur de Parthenay) en vient à l'idée d'une démonstration militaire, le gouvernement persuade de ne pas utiliser la force. Le roi ordonne de laisser tout en suspens, le duc Mazarin est rappelé en 1664, le sous bailli Cinq-Mars, Henri Coeffier marquis de Ruzé, le remplace.
Colmar toujours aussi tenace fait renouveler ses privilèges par l'Empereur Ferdinand III de Habsbourg en 1651, puis par l’Empereur Léopold 1er en 1659 et continue à contribuer aux dépenses de l’Empire. En 1671, le duc Mazarin exige à nouveau le serment au roi, mais se heurte à la même opposition.

Petit rappel.

Les villes impériales d'Alsace détenaient depuis des siècles, des libertés et des droits accordés par les Empereurs : elles s'administraient en pleine indépendance. Elles étaient de petites républiques, de fières personnalités politiques.
Le roi de France était une puissance étrangère. De plus les français parlaient une langue inconnue des alsaciens, ce qui donnait lieu à des malentendus continuels. Autre facteur de décision : la religion. N'oublions pas que le magistrat de Colmar était retombé entièrement aux mains des protestants.
Après 1670, l’horizon politique s'assombrit avec la guerre de Hollande. Une coalition se forme contre Louis XIV comprenant l’Empire, l’Espagne, le Brandebourg et la Hollande. La frontière de l’est est menacée.
Les troupes impériales se concentrent en Souabe et dans le proche Brisgau. "Protecteur" des villes d'Alsace, Louis XIV se rend compte du danger et décide de prévenir une offensive des impériaux.
Au début de l’été 1673, le marquis de Vaubrun est chargé par François Michel Le Tellier, marquis de Louvois de s'emparer de COLMAR. Il doit détacher le marquis de Coulanges avec 500 cavaliers, camper dans les environs immédiats de la ville et verrouiller toutes les issues. Le 22 août, Coulanges s'installe à la "Hohstegmühle", près du pont de Horbourg. Peu de jours après, par le Col de Sainte-Marie-Aux-Mines, le roi vient en Alsace. Il doit passer près de la ville ou s' y arrêter pour se rendre à Brisach.
Le dimanche 27 août 1673 doit avoir lieu la prestation du serment qui mentionne la fidélité à l’Empereur. Les autorités de Colmar sont averties que le roi en éprouverait une grande colère, ce qui causerait la ruine de la ville. La prestation du serment est annulée.
Le lundi 28 août, Louvois arrive devant Colmar. Le magistrat vient à sa rencontre pour le saluer. Coulanges est présent avec ses cavaliers qui se retirent, font volte face et s'élancent vers la porte de Deinheim ou de Brisach, gardée par le Wachtmeister Kienlein avec son escouade. Les cavaliers lui mettent la pointe de l’épée sur la poitrine, le forcent à leur livrer passage, pénètrent dans la ville, et au galop, occupent les carrefours, les portes, les édifices principaux. Les officiers se font remettrent les clefs des portes, des tours, des magasins d'armes. François Michel Le Tellier, marquis de Louvois rentre à son tour dans la ville.

Le lendemain, des troupes nombreuses d'infanterie font leur entrée, les bourgeois doivent livrer leurs armes. L'armement de l’arsenal stupéfie les français par son importance. Tout est transporté à Brisach, les forts remparts élevés vers la fin du 16ème siècle par Daniel Specklin sont démantelés.
Le mercredi 30 août 1673, vers 11 heures, le cortège royal, plus de 200 carrosses s'approchent. A cheval, Louis XIV fait le tour de la place.
Les travaux de démolition continuent sans relâche. Près de 4 000 hommes s’y sont employés.
Le magistrat Andreas Sandherr est accusé d'avoir traîtreusement livré à la ville aux français, d'avoir pactisé avec eux, de vouloir la ruine définitive de la cité et de ses libertés.

Détail de la maison du magistrat Andréa Sandherr
Détail de la maison du magistrat Sandherr

En automne 1674, les impériaux envahissent l’Alsace par le pont de Kehl.
En octobre les troupes brandebourgeoises du Grand Electeur Frédéric Guillaume 1er de Brandebourg rejoignent les impériaux. Le 17 novembre 1674, le Grand Electeur arrive à Colmar. Il est accueilli par les colmariens comme un libérateur qui leur assurerait de nouveau leurs privilèges impériaux.
Frédéric Guillaume 1er s'est installé au Waagkeller. Il y reste 6 semaines.
Le maréchal Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne envahit de nouveau l’Alsace par le sud, interrompt les quartiers d'hiver des Impériaux surpris et les refoulent vers Colmar. Le 5 janvier 1675 la bataille de Turckheim change le sort des armes, les brandebourgeois et impériaux défaits, se retirent en toute hâte vers le nord et repassent le Rhin.
Le 6 janvier, Turenne entre par la porte de Rouffach à Colmar.
Le magistrat craint le pire, cependant le maréchal épargne la ville.
En juillet 1675, le maréchal est tué par un boulet à Saasbach en Pays de Bade et transporté à Colmar.
En juin 1677, les Impériaux, sous le commandement du duc de Saxe, Eisenach, pénètrent en Alsace et arrivent sans difficulté à Colmar où ils séjournent pendant plusieurs jours.

Dès septembre 1677, l’armée française reprend l’offensive. Les cavaliers du maréchal François de Créquy occupent Colmar, suivis en novembre de troupes nombreuses qui s' y installent avant de s'emparer de Fribourg en Brisgau.
Le sort de la guerre tourne en faveur de la France. Les négociations commencées dans la ville hollandaise de Nimègue aboutissent à la paix le 5 février 1679.
Colmar devient "ville royale française".
En 1680, Joseph de Pons et de Guimera, baron de Montclar ordonne d'enlever les anciennes armoiries aux portes et aux édifices publics. L'aigle impérial disparaît, les fleurs de lys triomphent.

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